Publié le 1 juillet 2020

Deux heures dans le ciel

Un saut en parapente au-dessus du lac d’Annecy

Je suis en pleine recherche de logements et d’informations sur ma future vie conjugale dans le sud de la France lorsque je reçois un sms de mon beau-père me disant : Demain après-midi, saut en parapente si météo est bonne, Hubert te contactera directement. Hubert, c’est un collègue de ma mère et de mon beau-père qui travaille donc dans le même lycée qu’eux et qui est prof dans la section « bois », mais c’est aussi et surtout un féru de parapente à mon plus grand plaisir.

Autant vous dire que la première fois que j’ai évoqué l’envie de faire un saut en parapente, c’est surtout le cœur de ma mère qui a sauté dans tous les sens. Alors pour se rassurer, elle a accepté mais à condition que je fasse mon baptême de l’air en compagnie de quelqu’un de confiance, alias Hubert. Ainsi, la veille de ce fameux saut, elle me parle, cherche des problèmes de météo, de cheville, d’habits pas assez chauds pour l’occasion (« Tu sais dans les airs, tu vas avoir supeeer froid »), mais il en faut plus pour me dissuader de réaliser ce rêve de gosse ! Après une courte nuit, ponctuée d’excitation et d’une petite trouille, il faut bien l’avouer, j’attends avec impatience des nouvelles de mon acolyte de saut. Mes affaires sont prêtes (assez chaudes, ma mère l’espère…) et le téléphone sonne : « Tu es prête ? La météo est bonne, on se rejoint à 14h au parking de l’aire d’atterrissage ? » « Heu, OKK !! À tout à l’heure ». Pas le temps de réfléchir, j’ai déjà tourné la clé de contact de la Polo de ma mère.

Le moment fatidique arrive…

14h. Je retrouve Hubert à côté de sa moto et de tout le matériel dont nous avons besoin pour ce qui va suivre. Il m’explique plein de choses et j’essaie de tout retenir mais je suis tellement excitée que je laisse papiers, argent et clés de voiture dans la voiture, non fermée bien sûr. On fait du stop pour monter au départ des parapentes à côté du Col de la Forclaz. Dans la voiture, je suis entourée d’amateurs de parapente qui font connaissance rapidement en se racontant des anecdotes et leurs expériences respectives. J’adore écouter cette passion et ce besoin de liberté dans les airs que je partage depuis longtemps. J’ai toujours adoré l’espace, le ciel et le fait de pouvoir voler, chatouiller les oiseaux et vivre ainsi le rêve d’Icare, se rapprocher un peu des étoiles.

Quand j’étais en troisième, j’ai passé le BIA, Brevet d’Initiation à l’Aéronautique, l’équivalent du code de la route. Alors, avec la théorie en poche, je passe à la pratique et commence les heures de vol. Comme me disent mes parents, tu vas savoir piloter un avion avant de conduire une voiture… Pour des raisons financières et personnelles, j’ai tout arrêté avant de concrétiser ce rêve de savoir piloter toute seule et d’avoir la liberté d’aller là où peu de gens ont la chance de se rendre. Malgré tout, le souvenir de ce premier vol à bord d’un petit avion de l’aéroclub, au-dessus du lac d’Annecy, des montagnes, des champs et des alpages et enfin du Saint Graal, le Mont Blanc, restera gravé dans ma mémoire et restera un moment de pure liberté et de pur bonheur !

Bref, revenons-en à nos moutons ! Nous arrivons donc à destination : la piste de décollage des parapentes, surplombant le lac d’Annecy. Nous nous équipons et je commence à réaliser ce que je m’apprête à vivre lorsque Hubert me soulève du sol par les harnais pour me montrer la sensation que ce sera dans les airs. Il m’explique tout, comment nous allons décoller, ce qu’il faudra faire une fois dans le ciel, ce qu’il ne faudra pas faire. Je n’en perds pas une miette, ne voulant pas décevoir mon professeur du jour. Derniers réglages de la GoPro et dernières recommandations de Hubert, nous pouvons enfin prendre place sur la piste. C’est notre tour, mon cœur s’emballe mais je contiens mon excitation. Je suis en position face au vide et prête à courir lorsque Hubert me dit STOP, la voile ne s’est pas gonflée comme il faut. Il faut recommencer. On se replace, deuxième tentative. Comme pour la première, je suis face au vide et j’entends le compte à rebours dans mon dos : « 3, 2, 1, GO ! ».

Vivre le rêve d’Icare !

Je me mets à courir comme il me l’avait demandé, je suis poussée en avant, puis tirée en arrière, je résiste, la voile veut m’emporter avec elle mais je dois encore résister quelques instants et puis, d’un coup, ça y est, c’est le vide. Mes pieds ne touchent plus rien et ne sentent plus rien. C’est une sensation si étrange ! Dans l’avion, on sent qu’on prend de l’altitude mais on se trouve dans une structure fermée, on ne sent pas l’air caresser notre visage et faire virevolter les quelques petits cheveux rebelles qui sortent de sous le casque. Je m’accroche aux sangles et à la Gopro pour enregistrer tous ces instants et ne pas en perdre une seconde. Je veux profiter de tout, de chaque moment et tout voir, mais je ne sais plus où donner de la tête. J’ai devant moi le majestueux lac, ma ville natale au loin, le château, la Visitation, l’Impérial, le Paquier. J’en prends plein la vue. Virage à droite, on se retrouve face à la montagne, à la roche même. Je tends le bras, on est si proche que j’ai l’impression de pouvoir la toucher. Même impression pour les sapins sous mes pieds qui s’étendent à l’horizon. C’est tellement beau, c’est tellement impressionnant, c’est tellement dingue en fait !

J’écoute la voix de Hubert dans mon dos qui me demande comment ça va, mes premières impressions et ce que l’on va essayer de faire aujourd’hui. Le temps est au beau fixe, le vent est au rendez-vous, il m’annonce qu’on va vraiment pouvoir profiter et avec un peu de chance rester deux heures dans les airs. Et en effet, ce fut le cas, nous avons partagé deux heures magnifiques, extraordinaires à discuter de tout et de rien. Il m’a raconté ses expériences passées avec d’autres personnes ou en solo. Il me décrit les alentours, me donne les noms des montagnes, des balades à faire dans les environs. De là-haut, tout paraît différent et tout revient à taille humaine. Grâce à l’expertise et à l’expérience de Hubert, nous tournoyons dans les airs, traversant la forêt et les alpages, on fait des kilomètres dans le ciel en descendant de quelques dizaines de mètres à chaque fois et en retrouvant un courant d’air ascendant, nous voilà à nouveau remontés. Il joue avec les manettes au-dessus de nos têtes avec une habileté déconcertante, à l’entendre, ça paraît si simple. Et nous continuons de voler, un virage à droite, puis à gauche, et encore à droite, et encore à gauche.

Le retour à la réalité

D’un coup, le mal de tête se fait sentir. Hubert m’en avait parlé avant le décollage. Ça arrive, m’avait-il dit, ce n’est pas grave, mais une fois que c’est là, ça ne fait qu’empirer. Alors, il est temps de redescendre et de retrouver la terre ferme. Le rêve prend fin et malgré l’étourdissement, je continue de profiter encore un peu de tout ça. J’imprime les sensations et les images dans ma tête. Petit cadeau de la fin, au-dessus de Menthon, Hubert joue avec mon estomac et nous fait virevolter à toute vitesse sur nous-même. J’éclate de rire, la réaction instinctive à ce moment hors du temps et de l’espace. Il m’explique que mes jambes sont peut-être un peu endolories et que je dois donc commencer à les bouger, ainsi que mes pieds. À quelques mètres seulement du sol, on doit commencer à courir pour faire le mouvement exact une fois qu’on touche le sol. Le problème c’est que mes jambes sont vraiment endolories malgré les petits mouvements précédents et je ne sens pas le sol qui arrive. Tout se dérobe sous mes pieds et je m’écroule emportant avec moi Hubert.

On s’emmêle dans les fils et dans la voile et on rigole comme des enfants. Alors que mon professeur reprend rapidement ses esprits et se lève sans grande difficulté, mon corps ne suit plus et ne comprend pas ce qu’il vient de se passer. Je rigole nerveusement et j’essaie de remettre de l’ordre dans tout ça. Je reste encore quelques minutes, assise dans l’herbe et finis par me relever, la tête encore dans les airs. J’aide Hubert, non sans mal, à replier la voile et à ranger le matériel. Et je le remercie mille fois pour ces deux heures et ce voyage hallucinant à la cime des arbres et à l’aplomb des montagnes.

Un au revoir et encore un merci, mes pieds et ma tête réalisent qu’ils sont bien revenus sur terre et qu’il faut reprendre la voiture. La voiture ?! OUF, elle est toujours là mais j’ai l’impression de ne plus savoir où j’habite et comment conduire cet engin. Je respire un bon coup et démarre le moteur, cet aparté est définitivement terminé. Demain, je reprendrai les recherches d’appartement et de boulot pour ma vie future. Ce moment restera gravé à jamais en moi et honnêtement, je ne rêve que d’une chose, c’est d’y retourner ! Merci Hubert !

 

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