Publié le 8 septembre 2020

La journée-type d’une traductrice à Madrid

Première partie :

7h45, le réveil sonne et une nouvelle journée qui commence dans la capitale espagnole dans laquelle je vais passer un peu plus de quatre mois pour un stage dans une agence de traduction en plein centre de la ville. J’ai trouvé une chambre chez l’habitant au nord de Madrid, chez un Péruvien pour le moins atypique dirons-nous.

Ainsi, je sors du lit. J’ai hâte, comme tous les jours, d’aller travailler ! Un petit déjeuner englouti rapidement, un peu de maquillage et hop, me voilà dans le hall d’entrée de l’immeuble. C’est à ce moment que débute mon rituel matinal et les mêmes rencontres quotidiennes. Cela commence donc par un « Hola ! » enjoué au gardien de l’immeuble qui est toujours assis sur sa petite chaise dans ce minuscule bureau face à des écrans de surveillance. Il me répond la même chose avec un large sourire qui met tout de suite de bonne humeur. Je prends donc le chemin du métro et j’observe la vie reprendre son cours, les commerçants qui ouvrent leur boutique ou leur restaurant, les bars sont pour la plupart déjà ouverts et servent des « cafe con leche » à tous les coins de rue. Je passe devant cette boulangerie d’où émane une bonne odeur sucrée de croissants tout chauds. Non je ne craque pas et poursuis ma route.

« Je n’ai plus besoin de réfléchir. Mes pieds connaissent le chemin par cœur. »

Je prends donc le métro, la ligne 9 pour être exacte, j’arrive sur le quai et je me positionne, prête à entrer rapidement dans le métro pour avoir une place assise. À cette heure-ci, il n’y a pas encore trop de monde, c’est agréable mais les sièges sont précieux. Personnellement, je vais passer 15 minutes dans ce premier métro et je vais encore, comme la veille, tenter de battre mon record de rapidité en sudoku ! « Nuñez de Balboa », je descends de la rame et je suis le flot de personnes qui tout comme moi va changer de ligne. Je n’ai plus besoin de réfléchir. Mes pieds connaissent le chemin par cœur. Il y a toujours ce jeune homme dans le coin à droite avec sa guitare qui tente de lancer sa carrière. Tous les jours, je me promets qu’un jour je m’arrêterai pour l’écouter plus longuement pour apprécier sa musique et découvrir son univers. Mais je suis prise dans ce rythme et dans cette foule qui marche à l’unisson. On a presque la sensation de faire partie d’une fourmilière et que si l’une d’entre nous sortait des rangs, cela perturberait l’équilibre de cet ensemble si précaire.

Le deuxième métro arrive. Celui-ci est toujours plein, mais j’ai trouvé la technique : si je rentre tout au bout du quai, il y a plus de place. Quatrième station, « Chueca », c’est mon arrêt. « Perdon, perdon », je me faufile entre les costumes et les sacs à main pour atteindre la porte. Enfin l’air libre. J’arrive sur cette petite place où l’effervescence est déjà présente et la journée bien entamée pour certains. J’adore cette joie de vivre espagnole. Je tourne au dernier coin de rue et débarque sur la place de l’agence. Je sonne à la grande porte en bois massif de l’entrée de l’immeuble et m’engouffre dans le hall. « Hola » une nouvelle fois à la gardienne de ce bâtiment, une petite dame d’une cinquantaine d’années à l’énergie débordante et au sourire communicatif. L’ultime dose de bonne humeur avant de pénétrer dans l’agence au premier étage.

Après un premier arrêt dans la cuisine pour déposer mon tupperware dans le frigo, quelques « hola » à la volée aux premiers collègues déjà présents, je vais déposer mes affaires dans le petit vestibule au fond du couloir. J’aime cette routine quotidienne qui me donne des repères et me rend plus efficace. Je m’assois dans mon siège et entame la discussion avec Victoria, ma responsable de stage franco-espagnole mais surtout mon amie avec qui je partage de longues discussions et de longs après-midis à errer dans les rues de Madrid ou de ses environs.

« Le métier de traducteur est vraiment passionnant et gourmand. »

L’écran s’allume, la conversation laisse place à la concentration et au travail. Je prends connaissance de mes nouveaux projets de la journée. Chouette, j’ai plein de menus à traduire. J’adore ça ! Certes, ce n’est pas toujours simple de se concentrer et de rester de marbre lorsque l’on a déjà faim et que notre ventre nous le fait bien sentir à coups de gargouillements bruyants. Mais c’est toujours un réel plaisir de s’imaginer les goûts et les parfums des mets constituant la traduction du moment. Les mots s’ajoutent les uns après les autres sur ma page blanche et les images me viennent en tête : le métier de traducteur est vraiment passionnant et gourmand.

Arrive la pause méridienne, à l’heure espagnole bien sûr, c’est-à-dire 14h minimum. Nous avons 30 minutes. Les premières bouchées rompent le jeûne et délivrent nos entrailles. Les discussions vont bon train. Les élections espagnoles sont dans quelques semaines et tout le monde anime le débat bien engagé. 28 minutes se sont déjà écoulées et personne n’est tombé d’accord mais chacun retourne à son poste et se remet dans son univers : pour certains, ce sont des traductions d’actes de naissance ou de diplômes, d’autres des notices d’ascenseurs et d’autres encore, des brochures touristiques sur des régions spécifiques du pays. Chacun ses mots et chacun sa spécialité. L’après-midi est toujours un peu long, surtout après la digestion mais les mots se traduisent les uns après les autres et le logiciel de traduction comptabilise le résultat à la fin de la journée. Yes, j’ai réussi à tout faire !

17h à l’horloge de mon écran. Le moment de tout éteindre et de rentrer dans ma petite chambre louée. Après un « hasta luego » général, Victoria et moi descendons les vieilles marches pour atteindre le hall tout en faisant le bilan de tout ce que nous avons appris aujourd’hui, ça c’est un avantage extraordinaire de notre métier. Si on a de la chance, notre curiosité insatiable peut être assouvie pour la journée grâce à nos traductions et à leurs sujets toujours très variés. On se quitte devant l’entrée et je pars en direction de la bouche de métro. Et rebelotte, comme ce matin, Chueca, la ligne 5, Nuñez de Balboa, la ligne 9 et me voici dans mon quartier au nord de la ville.

« Les gens sont assis sur les terrasses et partagent ensemble des « caña », ces petits verres de bière typiquement espagnols et dégustent des tapas. »

Les gens sont assis sur les terrasses et partagent ensemble des « caña », ces petits verres de bière typiquement espagnols et dégustent des tapas. Je marche le long de ces tables et de ces boutiques presque vides le matin mais qui débordent de monde et de vie le soir venu. En chemin, je passe dans cette boulangerie où l’odeur alléchante des empanadas (des petits chaussons salés argentins) me chatouille le nez. Ce sera parfait pour mon dîner de ce soir. Dans quelques mètres, je vais me replonger dans le silence de cet appartement sombre qui tranche totalement avec le brouhaha ambiant caractéristique de la vie espagnole. Cette journée se termine calmement, dans la pénombre de ma petite pièce et dans la chaleur étouffée du début de l’été.

Demain, une nouvelle journée commencera et le même rituel se mettra en place aussi naturellement que les jours précédents. Et ainsi va la vie dans la capitale ibérique.

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